Le Paradis oublié: le Christianisme Devient Religieux
19/12/2007
Le Paganisme Romain
Comme ses légions étaient répartis sur trois continents, « Rome le vainqueur est devenu le vaincu. » Chaque fois qu’une nouvelle culture était absorbée, ses pratiques et ses croyances touchèrent profondément l’empire de plus en plus pluraliste. La religion n’était certainement pas l’exception. Si vous aviez vécu à Rome au cours du deuxième et troisième siècle, vous aviez un grand choix de religions à choisir. En réalité, cependant, la plupart des religions étaient cuisinées à partir des même quelques ingrédients. Seule la « présentation » changeait.
L’ingrédient principal et l’hypothèse sous-jacente de toute religion païenne était le polythéisme. Il y avait littéralement des milliers de « dieux » et des « héros » semi-divins. Chacun avait autorité sur une zone spécifique du monde naturel ou de la société humaine, c’était cru. Certains étaient grands, régissant l’océan ou le soleil ou le ciel. D’autres étaient beaucoup plus local, avec une sphère d’influence qui pouvait ne pas dépasser une rivière spécifique ou une colline. Mais tous étaient considérés comme divins, et c’était jugé opportun d’aduler tous ou une partie d’entre eux—ce qui explique pourquoi l’empire pouvait si facilement accueillir de nouvelles religions dans le mélange païen.
Il y avait une autre hypothèse clé dans le paganisme : les « dieux » avaient un sale caractère, et vous ne les aimeriez pas, s’ils étaient mécontents. Ils étaient mesquins, jaloux, volatiles, et pénalement peu soucieux des « dommages collatéraux » de leur accès de colère. Est-ce que votre ville était menacée par des pillards barbares ? C’est parce que le « dieu de la guerre » était indigné de quelque chose. Mieux vaut amarrer son idole avec des chaînes pour le retenir ! Est-ce qu’un fléau dévastateur menaçait votre région ? La « déesse de la terre » ressentait probablement le fait que le « dieu du soleil » avait tué son enfant un millier d’années plus tôt. Mieux mettre en place une statue du « dieu soleil » ayant arc et flèches, afin qu’il puisse « tirer » et éloigner la maladie. Est-ce qu’un tremblement de terre a endommagé votre ville, même abattant les piliers de l’un de vos temples païens ? Évidemment, le « dieu des tremblements de terre » était en colère contre ce temple du « dieu. » Mieux vaut mobiliser un troisième « dieu » pour le réprimander pour vous.
Ces illustrations ne sont pas de la fiction. Ce sont des exemples concrets de l’histoire Romaine, montrant comment les gens interprétaient les crises. Et ils démontrent deux autres croyances fondamentales du paganisme.
Tout d’abord, la souffrance humaine n’était pas causée par le péché de l’homme, mais par le péché « divin. » Dans les mythes Grecs et Romains, les « dieux » et les « héros » commettaient des actes meurtriers, d’infanticide, d’immoralité, de tromperie et de trahison. Leur colère imprévisible à l’homme ou à l’un l’autre était la véritable source de la misère humaine. Et en second lieu, la chose importante dans la religion était d’apaiser les « dieux » avec le bon rituel, produit au bon endroit et à la bonne heure. La sainteté personnelle en pensée et en conduite, 24 heures par jour et sept jours par semaine, n’était pas vraiment nécessaire. Les « dieux » ne s’en souciaient guère, si vos pensées étaient libres de cupidité ou de convoitise alors que vous traversiez le marché. Ils étaient beaucoup plus préoccupés par l’obtention de votre respect alors que vous passez par leurs sanctuaires. La religion, alors, était un peu comme la politique de bureau : C’était de savoir comment garder le patron (de mauvaise humeur) qui pouvait—soit vous ‘élever’ ou vous ‘cassez’—de votre côté.
Dans une ville typique de Rome, vous pouviez aller au culte à la « dénomination » païenne de votre choix, avec une variété de temples et de sanctuaires dédiés à différents « dieux. » Le temple aurait une idole d’une certaine sorte et un autel, abrité au sein d’une structure ornée. En termes pratiques, apaiser les « dieux » signifiait qu’il fallait garder leurs idoles propres et bien rangées, en leur offrant des sacrifices d’animaux, jour après jour ; et leur rendre hommage avec des festivités spéciales. Une fois par an, peut-être, l’idole serait prise sur une parade autour de la ville, dirigée par des « équipes de louange » de musiciens, de chanteurs et de danseurs spéciales.
Les temples ou sanctuaires étaient également un endroit où vous pouviez aller pour obtenir des conseils religieux. Avec certains, on pouvait jeter les dés ou choisir les lettres de l’alphabet, qui vous permettraient de choisir parmi une liste de réponses générales, qui se lit quelque chose comme les biscuits chinois dans lesquels sont cachés un horoscope, dans un restaurant Chinois. D’autres sanctuaires avaient des oracles beaucoup plus élaborés. Des villes éloignées à des centaines de kms pouvaient envoyer des délégations entières, complète avec des enfants de chœur, à l’oracle pour demander comment éviter une peste ou de mettre fin à une famine. Les personnes pouvaient également faire un pèlerinage pour se renseigner sur leurs perspectives d’avenir ou pour régler leurs questions philosophiques. Ces sanctuaires combinaient le concept de « lieu particulier » et « d’hommes spéciaux. » Un oracle réclamait généralement les services d’un « prêtre » pour effectuer des sacrifices, un « prophète » pour gémir et marmonner de façon incohérente, ainsi qu’un « théosophe » pour interpréter ces bruits de prétendu inspiration et de les formuler dans un verset ou deux de la poésie Grecque pour les clients payants.
Dieu, alors, était considéré comme ni amical, ni accessible, ni immédiat. Il était—ou dans la vision païenne, « ils étaient »—presque confiné de manière sûre dans la « boîte » prévue par la religion. Le paganisme Romain illustre clairement ce qui s’est passé dans la société humaine après la Chute. L’humanité sentit dans son cœur sa séparation avec Dieu. Les êtres humains ne pouvaient pas nier l’existence de Dieu ou leurs propres besoins pour Sa faveur pour la survie sur une planète déchue. Pourtant, l’homme aspirait autant d’indépendance de Dieu qu’ils pouvaient obtenir. La solution était la religion. Les citoyens de l’empire attachèrent la notion de « dieu » à certains endroits, temps et rituels spéciaux, menés par des spécialistes formés. En participant à cette religion, ils espéraient échapper à la colère divine et atteindre la bénédiction divine pour leurs récoltes, leurs familles et villes. Cette religion extérieure les « libéraient » d’avoir à se soucier du péché personnel ou de la soumission à Dieu sur une base intime au quotidien.
La déformation des païens sur la théologie explique, pourquoi il y a eu tant de haine envers les premiers Chrétiens : Ces adeptes du charpentier crucifié étaient « athées » qui refusaient d’honorer les « dieux » avec des adorations rituelles. En étant si têtus, les Chrétiens invitaient les catastrophes. Personne ne se souciait de ce qu’ils croyaient ; l’empire était prêt à absorber une autre religion. Mais leur rejet de la tradition et leur refus de faire une offrande même symbolique de l’encens étaient considérés comme une menace pour la société. Tremblement de terre, la famine, la peste et la guerre pouvaient à tout moment décimer l’empire le plus cultivé, et le plus technologiquement avancé que le monde ait jamais vu. Si cela se produisait, ce serait parce que les Chrétiens avaient insulté les « dieux. »
Le respect était la dernière chose que les premiers Chrétiens ressentaient pour le paganisme, cependant. Les Chrétiens n’étaient pas vraiment « athées » quand il s’agissait des « dieux » de Rome. Ils rejetaient la notion que l’idole pouvait être un « dieu, » mais ils acceptaient qu’il y avait néanmoins une sorte de pouvoir spirituel à l’œuvre dans les religions païennes. Comme Paul a écrit : « Mes chers amis, fuyez l’idolâtrie…Dois-je dire alors qu’un sacrifice offert à une idole est quelque chose, ou qu’une idole est quelque chose ? Non, mais les sacrifices des païens sont offerts aux démons, non pas à Dieu, et je ne veux pas que vous soyez participants avec les démons » (1 Corinthiens 10:14, 19-20).
Oui, vous avez bien entendu : Paul a appelé les « dieux » Romains des démons, et ce langage n’était pas plus politiquement correct dans l’empire Romain pluraliste du premier siècle, qu’il ne le serait dans le monde pluraliste de l’Ouest de nos jours. Les écrivains et les enseignants Chrétiens du deuxième et troisième siècle sont d’accord avec Paul. Dans leurs différends avec les païens, ils n’ont pas essayé de nier les histoires de miracles associés à des sanctuaires particuliers ou des idoles. Ils ont, cependant, attribué ces miracles à la puissance des démons. Les religions païennes n’inclurent pas la notion de satan ou du diable, mais les Chrétiens répliquaient que l’ensemble des cultes païens était dirigé vers les « forces spirituelles du mal dans les royaumes célestes. »
Au cours de ces siècles, alors, les Chrétiens étaient une petite minorité « dans, mais non pas du » monde hostile. Ils étaient menacés à l’intérieur et à l’extérieur : à l’intérieur, par « l’attraction gravitationnelle » de la chair humaine pour la religion de l’homme ; et à l’extérieur, par la pression d’une majorité païenne antagoniste.
« Aller à l’Eglise » avec la Nouvelle Génération
Nous ne devrions certainement pas penser que les croyants au cours de cette période abaissèrent leurs normes et qu’ils se confondaient avec bonheur avec le paganisme. Tout à fait le contraire est vrai ; ils faisaient réellement de grands efforts pour rester séparés. Les Chrétiens en visite ou en déménagement d’une communauté n’étaient pas accueillis dans des assemblées sans au moins une bonne lettre de recommandation et un vote de confiance d’au moins un membre. Au cours des rassemblements, de nombreuses églises postaient des gardes à la porte, pour décourager les gens non attestés d’entrer. Ces pratiques étaient courantes, non seulement en temps de persécution, mais en temps de paix, faisant gagner aux Chrétiens le label « d’exclusifs » de leurs voisins païens moqueurs.
Des conversions à la foi n’ont jamais eu lieu par un païen décidant « d’aller à l’église, » où il entendait un bon « sermon » et un « appel à l’autel, » et ensuite on répondait en priant avec un « conseiller. » Ces pratiques modernes ont été tout à fait inconnues au cours du deuxième et troisième siècle. Au lieu de cela, la conversion était un apprentissage rigoureux de trois ans, au cours duquel le candidat devait arrêter de pécher et était suivi de près pour tous manquements dans le comportement. Les apprentis recevaient l’enseignement dans les bases de la foi, mais n’étaient pas autorisés à rencontrer l’église, à prendre la Cène du Seigneur, ou même de recevoir le baptême jusqu’à ce que l’épreuve des trois ans fût terminée. (1)
Il est sûr de dire, alors, que les Chrétiens à cette époque restèrent fidèles à la notion d’être « une nation sainte » et un « peuple séparé. » Mais quoi dire sur les avertissements des apôtres et des prophètes—et de Jésus Lui-même—qui avaient amené la révélation du Nouveau Testament à sa fin ? Est-ce que ces « temps terribles » arrivèrent ? Une façon de répondre à cette question est de comparer les caractéristiques de la religion de l’homme. Est-ce que ces Chrétiens dérivèrent d’une vie entremêlée de simple soumission et confiance ? N’ont-ils pas plutôt commencé à compartimenter la vie et à désigner certains lieux, temps, ou gens comme « spéciaux » et le reste, par conséquence, comme « ordinaires » ?
Dans l’affaire de « lieux saints, » la réponse semble être « non. » Nous sommes certains de ceci : il n’y avait pas « d’églises » érigées sur les lieux publics jusqu’à la fin du troisième siècle – pas du tout. Les Chrétiens continuèrent à se rassembler avant tout dans les maisons. Les seuls indices que la vie spirituelle commençait à devenir « localisée » dans des endroits spéciaux vinrent près de la fin de cette période ; quand des Chrétiens aisés commencèrent à rénover leurs maisons pour accueillir de plus grandes réunions. Les archéologues nous disent que dans la ville de Dura Europos, près de l’Euphrate, les Chrétiens commencèrent à se rencontrer dans une maison privée avec une salle pouvant contenir une trentaine de personnes. C’est vers l’année 240 après J-CV, que le propriétaire de la maison fit un peu de rénovation, abattit un mur pour créer une plus grande salle pouvant accueillir soixante personnes. Une baignoire a également été installée à cette époque, sans doute pour l’utilisation des baptêmes. Mais cette structure resta une maison privée. Ce n’était pas un « sanctuaire » ou une « église, » sans parler d’une cathédrale. Il n’y a pas de suggestion, ni dans l’archéologie, ni dans des nombreux écrits des premiers Chrétiens, que de telles structures existaient pour plus de deux siècles après la Pentecôte.
Quand il s’agit de « moments spéciaux, » cependant, nous trouvons des preuves significatives, que « la foi qui avait été donnée au peuple saint de Dieu une fois pour toute » se transformait progressivement en quelque chose de très différent. Pour les premiers Chrétiens, rappelez-vous, le « jour saint » était n’importe quel jour appelé « aujourd’hui. » Mais par le milieu du IIe siècle, nous lisons la première référence connue concernant le dimanche comme un jour particulier pour les Chrétiens. Cela vient de la plume de Justin, un philosophe païen converti, qui enseigna la théologie à Rome.
« Mais le Dimanche est le jour où nous avons tous notre assemblée commune, parce que c’est le premier jour où Dieu, après avoir opéré un changement dans l’obscurité et de la matière, fit le monde ; et Jésus-Christ notre Sauveur, ressuscita le même jour d’entre les morts. Car Il a été crucifié la veille de celle de Saturne (samedi) ; et le jour après de celui de Saturne, qui est le jour du Soleil, Il ressuscita. » (Justin Martyr, La Première Apologie, chapitre 67).
Il a fallu cinq générations après la Pentecôte. Mais à Rome, au moins, une « journée sainte Chrétienne » était née, et avec elle un double connu sous le nom « le culte du Dimanche. » Cela a été un développement historique d’importance. Le Christianisme a toujours été axé sur la relation, pas les réunions. Le changement était en route.
Un œuvre du troisième siècle de la Syrie appelé la « Didascalie » donna des règles pour le culte. On devait attribuer des places assise ou debout pour des gens d’âges et de genres spécifiques. Un lecteur ou liseur devait être debout « sur un lieu élevé » et présenter deux sélections de l’Ancien Testament. Ensuite, un soliste devait chanter des Psaumes, avec le peuple le « joignant à la fin des versets. » Le chant était suivi par la lecture du Nouveau Testament. La congrégation devait alors se lever, face à l’est, et prier. Ensuite, les membres se saluaient par un baiser, ils devaient se présenter à l’avant « par rangs, » pour partager le pain et le vin. Apparemment, le culte ne devait pas être trop excitant ; un diacre était nommé pour « surveiller les gens, pour que personne ne puisse murmurer, ni sommeiller, ni rire, ni faire des signes ; car tous dans l’église devait se tenir à bon escient, et sobrement, et attentivement, ayant leur attention fixée sur la parole du Seigneur. »
Comparez cela avec la seule instruction dans tout le Nouveau Testament sur la façon dont les Chrétiens devaient gérer leurs réunions, trouvée dans la correction de Paul de l’ekklesia à Corinthiens :
« Que faire donc, frères et sœurs ? Lorsque vous vous réunissez, chacun [de vous] peut apporter un cantique, un enseignement, une révélation, une langue ou une interprétation. Que tout se fasse pour l’édification. Y en a-t-il qui parlent en langue, que deux ou trois au plus parlent, chacun à son tour, et que quelqu’un interprète. S’il n’y a pas d’interprète, qu’on se taise dans l’Eglise et qu’on parle à soi-même et à Dieu. Quant aux prophètes, que deux ou trois parlent, et que les autres évaluent leur message. Et si un autre membre de l’assistance a une révélation, que le premier se taise. En effet, vous pouvez tous prophétiser l’un après l’autre, afin que tous soient instruits et que tous soient encouragés. L’esprit des prophètes est soumis aux prophètes, car Dieu n’est pas un Dieu de désordre, mais de paix. Comme dans toutes les Eglises des saints. » (1 Corinthiens 14:26-33)
Notez que l’église du premier siècle n’avait pas besoin d’un diacre, chargé de garder les gens éveillés ! Et quoi d’autre était remarquablement absent ? Des sièges assignés, une « place haute » pour se tenir, un « ordre de culte » pré planifié, une cérémonie autour de « l’eucharistie, » un « conducteur de louange » ou « d’audience »—bref, toutes les fonctionnalités des « cultes » au troisième siècle et au-delà. Quand les Chrétiens se réunissaient au premier siècle, il n’y avait rien qui était attribué. Il n’y avait rien de planifié. Il n’y avait pas de lecteur ou d’orateur ou d’enseignant désigné, qui donnait toujours le « message de l’heure. » Le temps passé ensemble était fluide, dynamique, et interruptible (« lorsque la révélation vient à quelqu’un qui est assis, le premier orateur doit cesser »). L’Esprit de Jésus, plutôt que la tradition gérait la réunion. Chaque croyant était un participant. Chaque personne considérait quel cadeau (don) il ou elle pouvait offrir pour l’édification du Corps entier. Tout le monde venait préparé pour partager.
Les rassemblements au troisième siècle étaient sûrs ; les rassemblements dans le premier siècle ne l’étaient parfois pas. C’est pourquoi Paul eut à offrir des corrections ! Il y avait des risques. Mais il y avait aussi la vie. La VIE ! Lorsque le peuple de Dieu se rassemblait, ils Le découvraient de nouveau/fraichement dans l’un l’autre. Ils marchèrent et parlèrent avec Lui « dans la fraîcheur de la journée » ensemble, comme Il l’avait toujours désiré pour Son peuple.
Les Débuts des « Membres du Clergé » et des « Laïcs »
Dans l’affaire de « saints hommes, » les développements pouvaient être encore plus inquiétants. Dans une rupture radicale avec l’expérience et l’enseignement du Nouveau Testament, une hiérarchie définie religieuse commença à émerger. À la fin du troisième siècle, nous trouvons chaque assemblée locale régit par un seul « évêque, » brandissant un haut niveau d’autorité et bénéficiant d’une nomination à vie.
Ce n’était absolument pas toujours le cas. Comme nous l’avons vu, Jésus interdisait les titres religieux de toutes sortes. Même les apôtres ne devaient pas « dominer » ou « exercer de l’autorité » sur les autres. Jésus prit grand soin de leur rappeler : « Vous n’avez qu’un seul Maître et vous êtes tous frères. » Tout au long du premier siècle, les dirigeants de grand talent et de foi honorèrent néanmoins le commandement de Jésus. Quand un leader local dans une assemblée allait trop loin et commençait à « aimer à être le premier, » un apôtre ne tardait pas à l’avertir et à lui faire des reproches (3 Jean 9).
Il est vrai que Paul reconnut des anciens dans chaque ekklesia, quand il la revisitait quelques années après sa naissance. Ces « anciens » devaient entretenir, nourrir et protéger ceux qui étaient « plus jeune » dans la foi. Mais ces croyants plus âgés ne devaient jamais imiter le modèle « d’autorité » des gentils, et jamais ils ne dégénèrent en un homme régnant (gérant tout seul) ou de s’installer dans une hiérarchie. L’adieu de Paul aux anciens de son Ephèse bien-aimé est clair : un groupe d’hommes—peut-être même une salle pleine—appelés « anciens » dans le texte était encouragés : « Veillez sur vous-mêmes et sur tout le troupeau dont l’Esprit Saint vous a établis surveillant. Soyez bergers de l’Eglise de Dieu qu’Il s’est acquis par Son propre Sang. » Dans un passage de l’Écriture inspirée, nous trouvons les mêmes hommes dénommés « anciens, » « bergers, » et « surveillants, »—des mots qui ont été rendus dans le vocabulaire religieux traditionnel comme « prêtres, » « pasteurs » et « évêques. » Mais dans le monde de Paul, ces mots Grecs n’avaient pas la moindre connotation religieuse. Ce n’étaient certainement pas des « titres » désignant une « fonction » ou une « position. » C’étaient tout simplement des descriptions de personnes qui avaient la capacité d’une foi et d’un discernement mûrs (anciens), qui pouvaient nourrir et protéger les agneaux de Dieu (bergers), et qui avaient spirituellement « plus grandis » et donc capable d’une plus grande vision et d’une perspective plus claire (surveillants) . Ces mots-images ont toujours décrit un groupe d’hommes, qui en vertu du don et de la maturité étaient en mesure de servir l’ekklesia locale. Ils n’ont jamais décris l’autocratie d’un homme.
Nous savons suffisamment de détails historiques pour au moins esquisser l’évolution de la créature connue sous le nom d’évêque du IIIe siècle. Dans les années 90, une lettre d’un Chrétien de Rome à l’église de Corinthe utilisait encore le terme « évêques, » au pluriel pour les hommes dans l’assemblée locale. Mais en 110, une lettre, envoyée aux plus grandes églises de la province d’Asie—dont plusieurs avaient reçu une lettre de Jésus Lui-même dans l’Apocalypse, à peine une génération plus tôt—fait état d’un seul évêque dans chaque église. Pas tout le monde ne soutenait avec enthousiasme la hiérarchie émergente. Le « Pasteur d’Hermas, » écrivant à ce sujet dans la même période, termine par une figure symbolisant l’Eglise en émettant cet avertissement : « Maintenant donc, je vous dis qui sont les dirigeants de l’Église, et qui occupent les premiers sièges ; ne soyez pas comme les sorciers. Les sorciers en effet portaient leurs médicaments dans des boîtes, mais vous transportez votre médicament et votre poison dans votre cœur »—le poison, sous-entendu, de l’ambition.
Mais dans le deuxième siècle, les signes devenaient progressivement plus alarmants. Ignace écrivit que l’évêque était « l’image du Père » et que l’homme qui ne le reconnaissait pas comme tel « trompe pas l’évêque, qui est vu, mais trompe Dieu, qui est invisible. » Les gens devraient même se sentier « révérencieux » pour un évêque. Ceux qui essayaient d’agir indépendamment de l’autorité de l’évêque étaient des « serviteurs du diable. » Ou, comme Cyprien l’exprime dans le troisième siècle, l’opposition au « ministre » de Dieu est l’opposition à Dieu Lui-même. Par le milieu du IIIe siècle, d’après certaines informations, les « laïcs » à Rome disaient : « Un seul Dieu, un Christ, un Saint-Esprit, et dans une église il doit y avoir un seul évêque. »
L’enseignant Origène prit une piètre opinion de ce développement :
« Nous [les dirigeants] effrayons les gens et nous nous rendons inaccessibles, en particulier s’ils sont pauvres. Pour les gens qui viennent nous demander de faire quelque chose pour eux, nous ne nous comportons même pas comme les tyrans le feraient : nous sommes plus sauvages aux pétitionnaires que tous chefs civils le sont. Vous pouvez voir ce qui se passe dans de nombreuses églises reconnues, en particulier dans les grandes villes. » (Origène, Commentaire sur Matthieu 16:8)
Certes, d’autres s’opposaient au développement du « saint homme » professionnel dans le Christianisme ; si tout avait été sans problème, des hommes comme Ignace n’auraient jamais senti le besoin de soutenir/d’élever l’autorité des surveillants. Pourtant, d’année en année, « l’évêché » venait de plus en plus à ressembler à une dictature religieuse.
Même dans le troisième siècle, les surveillants ne portaient pas de vêtements distinctifs, ni recevaient de salaires. Ils pouvaient recevoir une part dans les offrandes volontaires des fidèles, mais ils n’étaient pas garantis de salaires. Les salaires pendant cette période ne se trouvaient que dans certains groupes hérétiques et avaient été jugés scandaleux parmi les Eglises. Et il n’y avait aucune notion d’une hiérarchie plus grande que l’assemblée locale ; il n’y avait pas « d’évêque des évêques » au cours de ces siècles. Pourtant, le glissement sur la pente glissante de la religion prenait déjà de la vitesse. A partir de ce point-là, l’hypothèse rarement remise en cause de la plupart des Chrétiens, était qu’ils avaient besoin d’un homme d’église professionnel, intitulé pour se tenir entre les simples « laïcs/profanes » et leur Dieu.
C’était durant cette même période que les Chrétiens prirent un autre grand pas vers livrer leur droit d’une relation intime et immédiate avec Jésus. Ironiquement, c’est venu à travers la seule chose que nous admirons le plus sur les croyants à cette époque—leur courage et leur fermeté en dépit de la persécution. À ce jour, nous sommes toujours émerveillés par la confiance et la tranquillité des croyants comme Perpetua ou Polycarpe, même face à la torture et la mort.
Il n’est pas difficile d’imaginer l’impact de la foi des martyrs sur leurs contemporains. Des Chrétiens qui étaient emprisonnés pour leurs convictions, tout en continuant à parler avec assurance de Jésus dans l’attente de la condamnation et de l’exécution, étaient honorés du titre de super-héros de la foi. On croyait que les Chrétiens dans le « couloir de la mort » connurent une proximité inégalée à Dieu. Certes, alors, leurs prières seraient particulièrement efficaces. Des croyants commencèrent à supplier leurs frères et sœurs emprisonnés de prier pour les péchés personnels ou d’autres préoccupations. Après leur exécution, les martyrs étaient constamment présentés comme Chrétiens exemplaires dans presque toutes les assemblées. Les dates de leur décès étaient commémorées chaque année, renforçant la mentalité de la « journée spéciale » qui prenait racine dans les assemblées locales.
Tout le concept du martyre croissait de plus en plus tordu. Melito, qui portait le titre « d’évêque de Sardes » à la fin du IIe siècle, écrivit : « Il y a deux choses qui donnent la rémission des péchés : Le baptême et la souffrance par amour du Christ. » Tertullien, le leader Nord Africain, le redira encore plus clairement, à peine une génération plus tard : « Votre sang est la clé du paradis. » Certains Chrétiens commencèrent même à se montrer volontaires pour le martyre, à la grande perplexité des gouverneurs païens.
Au IIIe siècle, les gens avaient commencé à recueillir des souvenirs des martyrs croyants – des morceaux de vêtements, des effets personnels, même des os—en partie pour l’inspiration, en partie en guise de « porte-bonheur spirituel. » Les gens prirent l’idée de demander aux martyrs pour leurs prières encore plus loin. Les visiteurs de leurs tombes demandaient la prière d’intercession des croyants morts. La pratique de vénérer des « saints » et leurs reliques avait commencée.
Les conséquences à la foi furent monumentales. La vénération était une autre couche d’isolant séparant les gens de l’intimité avec Dieu. Sur la terre, la hiérarchie était en plein essor entre Dieu et l’homme. Au ciel, le tableau d’honneur croissant des « saints » faisait pareille. La proximité de Jésus « ici et maintenant », dont les premiers disciples avaient bénéficié—à la fois avant et après Son ascension—devenait elle-même une relique du passé.
La « Conversion » de Constantin
Il fut l’une des rares figures véritablement charnière dans l’histoire. Dans un sens très réel, il fondit une religion. Son nom était Constantin.
Son père avait été désigné l’un des quatre codirigeants de l’Empire Romain. Constantin était particulièrement amer qu’il n’avait pas été inclus parmi les quatre. Il accompagna son père à l’avant-poste Romain en Grande-Bretagne et attendit son heure. Quand son père mourut, Constantin a laissé les troupes le proclamer nouveau coempereur. Pour les trois prochaines années, il combattit et manœuvra son chemin vers une plus grande puissance. Enfin, en l’an 312, Constantin était prêt à déplacer ses troupes vers le sud, dans l’espoir de prendre le gros lot : Rome. Pour se rendre à la ville, son armée devait traverser le Pont Milvius, une structure de pierre sur la Rivière Tibet. L’armée de son rival sortit de la ville pour défendre le pont. C’est là que quelque chose se passa, qui affecterait l’histoire de l’Eglise pour au moins les deux mille prochaines années.
Nous n’avons pas de compte rendu personnel de Constantin des événements. Nous avons seulement l’histoire racontée par deux de ses connaissances.
Seulement quatre ans après l’événement, Lactantius, le futur tuteur des fils de l’empereur, écrivit que Constantin avait fait un rêve « à la veille de la bataille », dans lequel il avait été commandé de marquer les boucliers de ses soldats avec le « signe céleste de Dieu. »
Nous avons aussi la version des événements du sénat Romain, préservé pour nous dans un monument connu sous le nom de l’Arc de Constantin. Construit en 315, trois ans seulement après la « conversion » de Constantin et de la victoire subséquente, l’arc montre le plus ancien témoignage connu des événements. Son inscription indique simplement que Constantin avait gagné ses batailles « à l’instigation de la divinité, » sans préciser quelle divinité le sénat avait à l’esprit. La garde personnelle de l’empereur était représentée, mais il n’y a pas de « signe de la croix » sur leurs boucliers. Au dessus d’eux planent les images traditionnelles des « dieux » païens. Les sénateurs étaient des païens créant un monument pour d’autres païens. Peut-être que c’est la raison pour laquelle ils avaient omis de l’arc toute référence au Christianisme. Pourtant, il semble étrange que Constantin n’ait jamais « corrigé » le monument, si vraiment il avait trouvé cela offensant.
Eusebius, écrivant un quart de siècle plus tard et au moins une douzaine d’années après avoir entendu la description de Constantin des événements, raconte une version beaucoup plus élaborée. Il déclara que le futur empereur avait appris que son rival politique à Rome faisait l’utilisation de sorts et de sacrifices pour obtenir le soutien des dieux païens. Constantin sentait également le besoin d’aide divine pour son armée. C’était à ce moment là, selon Eusebius, que Constantin et « toutes les troupes » virent le signe de la croix dans le ciel de midi, avec la légende « Par ceci, vaincs » blasonné en dessous. Cette nuit-là, il a été affirmé, que Constantin vit Jésus dans un rêve, lui ordonnant d’utiliser le signe de la croix « dans ses engagements avec l’ennemi. » Le lendemain, Constantin ordonna à ses hommes de peindre une croix sur leurs boucliers. Il lança maintenant l’attaque, qui réussit au-delà de ses rêves les plus fous. L’empire était le sien.
Nous ne saurons jamais exactement ce qui se passa au Pont de Milvian en 312. Mais nous pouvons dire avec certitude : aucun des trois récits de « l’événement, » qu’il soit gravé dans la pierre par des païens Romains ou écrit sur parchemin par des prétendus Chrétiens, ne fait mention du péché, du Sang, du pardon, de la repentance, de la réconciliation, ou d’une nouvelle naissance. C’est une « conversion » étrange.
Pendant de nombreuses années, Constantin fit preuve d’une tolérance large, au point de compromettre, avec la religion païenne en majorité. Il conserva le titre traditionnel impérial de pontifex maximus, le grand prêtre de la religion païenne Romaine. (2) L’image du « dieu soleil » païen, adoré par le père de Constantin et des empereurs précédents, apparaît trois fois sur l’Arc de Constantin. Les documents officiels impériaux, y compris les pièces de monnaie, continuaient d’afficher ce « dieu soleil » jusqu’à 324.
En 325, Constantin organisa deux « conseils d’églises œcuméniques » pour régler le problème de l’hérésie. Les surveillants et les autres dirigeants furent convoqués dans tout l’empire. Dans un discours qui lui est attribués au premier de ces conseils, Constantin cita librement et à grande longueur deux sources religieuses païennes, la première, une prophétesse légendaire et l’autre un poète Romain classique. Fait étonnant, il a non seulement pris leurs paroles comme faisant autorité, mais même essaya d’extraire des principes Chrétiens et des textes approuvés d’eux. L’année suivante, quand un prêtre païen de premier plan souhaita faire un pèlerinage en Egypte pour voir une idole qui faisait des bruits comme une voix humaine, Constantin approuva la facture.
Constantin n’aimait pas la ville de Rome, donc il décida de construire une nouvelle capitale, Constantinople, à l’est. Lors de sa dédicace en 330, il organisa une cérémonie qui était à demi-païenne et à demi Chrétienne, et plaça une image de la croix sur le char du « dieu soleil » sur le marché.
Ce ne fut que peu de temps avant sa mort en 337, que Constantin finalement fut baptisé. Apparemment, il avait peur que les péchés commis après le baptême ne seraient pas pardonnés et donc attendit jusqu’au dernier moment possible pour effectuer le rituel, comme il l’entendait.
Il y avait en effet des péchés au sujet desquels il pouvait être préoccupé. Peu de temps après que Constantin prit Rome, son ancien allié—maintenant perçu comme un concurrent—fut retrouvé étranglé à mort. En 326, Constantin exécuta son fils aîné en raison des accusations scandaleuses contre lui. Quelques mois plus tard, quand il réalisa qu’il avait été induit en erreur au sujet du jeune homme, il exécuta l’accusateur—sa propre femme, Fausta. Il ne fait aucun doute que Constantin était ambitieux et impitoyable, quand il s’agissait de sécuriser et de protéger son image et sa position.
Telle fut la « conversion » de Constantin et ses effets sur sa vie. Pourtant, alors que l’authenticité de sa conversion peut être remise en question, l’impact de celle-ci ne peut pas. L’empereur se jeta dans sa nouvelle cause avec une énergie, passion et habilité caractéristique. Les changements qu’il a apportés à sa religion au cours d’une seule génération n’en sont pas moins révolutionnaires.
La « Conversion » du Christianisme
L’objectif de Constantin était d’unifier son empire dans le cadre du « signe de la croix. » Il se considérait comme une créature du destin, un instrument puissant dans les mains de Dieu. Dans une lettre ouverte, datée d’environ 324, il écrivit :
« Assurément, ce ne peut pas être considéré comme arrogance de celui qui a reçu des prestations de Dieu, de les reconnaître dans les plus hautes conditions de louange. J’ai moi-même, alors, était l’instrument des services qu’Il a choisi, et estimé adapter à l’accomplissement de Sa volonté. En conséquence, à partir de l’océan britannique…grâce à l’aide de la puissance divine, j’ai banni et éliminé tout à fait toute forme de mal qui prévalait, dans l’espoir que la race humaine, éclairée par mon instrumentalité, pouvait être rappelé à un respect des lois saintes de Dieu ; et qu’en même temps notre foi la plus bénie pouvait prospérer sous la direction de Sa main Toute-puissante. » (D’Eusebius, La vie de Constantin II, chapitre 28)
Ce sont les mots d’un homme qui se considérait en termes presque messianiques. Il était un homme avec une mission : éradiquer le mal et éclairer la race humaine, de sorte que le Christianisme puisse prospérer. Comment pourrait-il réaliser un tel objectif noble ?
Pour commencer, il construisait des « bâtiments d’église. »
Au début du quatrième siècle, seulement quelques assemblées locales avaient fait le saut conceptuel de se réunir en privé en des maisons reconstruites, vers des bâtiments religieux. Nous savons à partir de documents historiques d’une ville en Egypte avec deux « bâtiments d’églises, » une synagogue, et douze temples païens. Un témoin oculaire de la grande persécution en Egypte en 303 parle de trois autres villes où des « basiliques » d’un certain type furent brûlées. Cependant, ces structures étaient peu impressionnantes, probablement de la construction en bois simple. Ils n’étaient pas adéquats pour une religion impériale, apparemment.
Constantin commença sa carrière en tant que constructeur, en érigeant une statue colossale de lui-même, « dix fois plus grand que nature, » tenant une « lance haute en forme de croix » dans le tronçon le plus fréquenté de Rome. Il construisit ensuite le premier de ses nombreux « bâtiments d’églises, » à Rome également. C’était magnifique, essentiellement un palais : la basilique de Latran, qui est finalement passée au contrôle de « l’évêque de Rome » et qui à ce jour appartient au pape Romain.
Sa mère, Hélène, a également encouragé et aidé à financer ce programme de construction du quatrième siècle. Elle fit un « pèlerinage » à la Palestine en 326, immédiatement après l’exécution de sa belle sœur et petit fils. À son retour, Hélène construisit une basilique élaborée autour d’une pièce dans son palais impérial, recouvrant le sol avec de la terre de Jérusalem. C’était destiné à servir de sanctuaire pour les reliques de souvenirs qu’elle avait ramené de la « terre sainte. » Parmi les bibelots, il a été dit, était un os de l’index de Thomas, le doigt même qu’il utilisa pour tester les blessures de Jésus. Le sanctuaire existe encore aujourd’hui.
Ainsi commença une vague sans précédente de construction à caractère religieux. Pour les vingt-cinq prochaines années, Constantin finança une série d’édifices religieux magnifiques et somptueux dans tout l’empire. Il ordonna à l’évêque de Jérusalem de construire aux frais du public une « Église du Saint Sépulcre » sur l’emplacement présumé du Golgotha. Il a également construit une basilique sur un gigantesque sanctuaire à Rome, où Pierre était censé être enterré. Il continua par la construction de sanctuaires similaires, rivalisant avec tout temple païen en magnificence, à Bethléem, à Mamré, à Nicomédia, et à Héliopolis. Sa propre ville, Constantinople, ne devait pas être laissée de côté. Peu à peu, elle se remplit de sanctuaires des martyrs, prenant la place du sanctuaire polythéiste à chaque coin de rue que les païens avaient toujours connu.
Constantin ne se borna pas à la construction de « lieux spéciaux, » cependant. Il fit sa marque en matière de législation des « journées spéciales » aussi. En 321, il décréta que dies Solis—le jour du soleil, ou « du dimanche »—serait un jour de repos dans tout l’empire :
« Au jour vénérable du Soleil, laissez les magistrats et les personnes résidant dans les villes se reposer, et que tous les ateliers soient fermés. Dans la campagne, en revanche, les personnes travaillant dans l’agriculture peuvent librement et légalement poursuivre leurs activités, car il arrive souvent qu’un autre jour ne convienne pas pour l’ensemencement du grain ou la plantation de la vigne ; de peur qu’en négligeant le moment approprié pour de telles opérations la bonté du ciel devrait être perdu. » (Constantin, le Décret de Mars 7, 321)
Ici encore, nous voyons un curieux mélange entre le paganisme et le Christianisme, comme Constantin l’a conçu. Le « jour vénérable » du dieu soleil, la divinité que le père de Constantin avait adorée, devait maintenant être commémoré avec la même observance que le Sabbat. Le concept d’un « culte du dimanche » a été pris à un niveau entièrement nouveau, avec la possibilité de prendre un jour de congé et de se rencontrer dans le nouveau et luxueux « bâtiment d’église. »
Constantin était certainement en train de faire sa marque. Mais son plus grand impact vint peut-être dans sa vision pour le développement du clergé. Constantin leur donna d’énormes privilèges et de pouvoirs. Dans les villes de l’empire Romain, la plupart des fonds pour les travaux publics, y compris les jeux et les fêtes, ne venaient pas des taxes, mais de la fortune personnelle des titulaires d’une fonction. « L’amour de votre ville natale, » si vous étiez un membre de la classe supérieure Romaine, signifiait de dépenser des quantités énormes de votre fortune personnelle pour financer des travaux publics. C’était par essence un impôt sur le revenu très fortement progressif. Légalement, aucun propriétaire substantiel n’était exempté. Constantin changea la coutume d’un trait de plume. A partir de 313, les évêques et les Chrétiens du « clergé » étaient exemptés de la charge de remplir cette fonction. Si grande était cette récompense financière, que l’empereur a dû émettre un second décret interdisant les païens riches de prétendre à être évêques, afin d’éviter le service public !
En même temps, il étendu largement les pouvoirs des évêques. Dans une poursuite civile ou même pénale, un évêque pouvait émettre un jugement qui avait force obligatoire sur toute autre juridiction de droit. Constantin a également organisé des réunions du clergé de l’empire pour légiférer sur des questions religieuses particulières. De plus en plus, le clergé imitait la forme et la fonction d’un gouvernement laïc. À la fin du troisième siècle, on donna aux gouverneurs Romains des députés appelés « vicaires » et, des provinces avaient été regroupés en grandes régions appelées « diocèses. » Ces mots ont été apprêtés par la bureaucratie de plus en plus religieuse seulement une génération plus tard. Sous Constantin, la hiérarchie religieuse était en train de croitre d’une expression locale à une expression mondiale.
Ce qui avait commencé, alors, comme un glissement progressif sur une pente glissante dans le deuxième et troisième siècle avait accéléré en chute libre par le quatrième. Le Christianisme fut transformé en une religion. Elle portait certainement toutes les caractéristiques de la religion de l’homme, avec des endroits, jours et hommes spéciaux. Constantin fit beaucoup pour formuler et promouvoir ce changement. Mais peut-être son plus grand impact a été d’ouvrir les portes de l’église à une nouvelle race de « converti, » un peu comme lui-même. « L’église » au quatrième siècle signifiait quelque chose de radicalement différent de ce que c’était du temps de Paul, Pierre ou Jean. « L’adhésion » était maintenant politiquement correcte. C’était même à la mode, le choix logique pour les jeunes nobles professionnels Romains, susceptibles de promotion sociale, désireux de prendre de l’avance dans le nouvel « empire Chrétien. » Par-dessus tout, l’église était maintenant considérée comme quelque chose d’accessible sans honte. Au lieu de se rencontrer furtivement dans des maisons privées, craignant les coups sur la porte qui signifierait le début d’une autre série de persécution, ces nouveaux « Chrétiens » pouvaient se rassembler ouvertement dans certains des bâtiments les plus magnifiques de l’empire. Et au lieu de partager la vie ensemble, sept jours par semaine, il était maintenant possible « d’assister ou être présents à des cultes » sur le « vénérable jour du Soleil » sans trop interférer avec la vie privée.
Il était plus facile d’être ce genre de Chrétien, que de ne pas être Chrétien du tout. Et au moment où Rome chuta et que les « âges sombres » commencèrent, chaque personne en Europe continentale—à l’exception de quelques Juifs récalcitrants—prétendait être un Chrétien.
L’Accommodation du Paganisme
A cause de Constantin et des dirigeants qui vinrent après lui, le clergé avait un problème embarrassant sur les mains. Le « Christianisme, » comme Constantin l’avait envisagé, allait devenir la religion d’Etat. La citoyenneté dans l’empire (et dans les royaumes qui l’ont suivi) allait devenir synonyme d’appartenance à l’église « catholique » (c’est-à-dire universelle). Mais comment voulez-vous « christianiser » les citoyens d’un empire païen, dont beaucoup maintenant « se convertissaient » dans l’espoir de promotion sociale, ou face à la grande pression—ou même à la pointe de l’épée ?
Dans les premières générations du Christianisme, chaque personne qui joignait son cœur avec l’ekklesia le faisait volontairement, malgré la pression des pouvoirs politiques et religieux antagonistes, profondément enracinée. La vigueur de cet abandon complet, donné librement, était indéniable. Les Chrétiens non seulement subissaient un environnement hostile – mais ils prospéraient en lui. Comme l’auteur d’Hébreux a dit :
« Souvenez-vous des premiers jours : après avoir été éclairés, vous avez supporté un grand et douloureux combat. Tantôt vous étiez publiquement exposés aux injures et aux persécutions, tantôt vous vous montriez solidaires de ceux qui se trouvaient dans la même situation. En effet, vous avez eu de la compassion pour moi dans ma prison et vous avez accepté avec joie qu’on prenne vos biens, sachant que vous aviez [au ciel] des richesses meilleures et qui durent toujours. » (Hébreux 10:32-34)
L’ekklesia vivait comme une famille unie qui avait compté le coût de l’engagement, elle avait toutefois décidé de suivre Jésus de toute façon, parce qu’ils pensaient qu’II valait la peine.
Le Christianisme comme religion d’Etat était cependant très différente. « L’église » était désormais censée d’englober une vaste population, qui franchement préférerait leur religion païenne, mais avaient « joints » la nouvelle, parce qu’ils sentaient qu’ils devaient le faire. D’où le problème auquel était confrontés les chefs religieux : Comment pouvez-vous forcer la loyauté ? Comment pouvez-vous demander à quelqu’un d’aimer quelque chose qu’ils n’aiment pas ? Comment faites-vous pour qu’une personne rejette extérieurement une religion païenne, quand ils l’embrassent toujours intérieurement ?
Une stratégie est l’enseignement, sous l’hypothèse que les gens veulent s’accrocher à des croyances et des pratiques païennes seulement, parce qu’ils sont ignorants des croyances d’une religion « meilleure. » La stratégie fut appliquée, avec un succès extrêmement limité. L’hypothèse s’est révélée être naïve. La plupart des gens préféraient leur vie ancienne à la nouvelle, même lorsque la nouvelle leur était expliquée.
Une deuxième stratégie est la coercition. Tout au long du moyen âge, à différentes époques et différents lieux, depuis des actions locales de chefs religieux jusqu’à l’horreur généralisée de l’Inquisition, la contrainte fut appliquée, souvent avec beaucoup de diligence. Mais des plus sages finirent par découvrir la vérité : la contrainte peut produire une conformité externe, à contrecœur, mais ne peut jamais changer le changement du cœur. La coercition et la conversion sont, en fait, totalement opposées.
Une troisième stratégie est l’accommodation. Si la plupart des gens préfèrent l’ancien mode de vie, on peut simplement essayer de régler le « nouveau » mode de vie pour paraître, sonner, et sentir comme l’ancien. Le leadership religieux adopta cette stratégie—parfois inconsciemment, mais souvent tout à fait délibérément—et enfin obtinrent les résultats qu’ils espéraient. Beaucoup d’éléments religieux païens furent introduits dans le Christianisme, avec leurs qualités les plus répréhensibles désinfectés et, leurs qualités sentimentalement les plus appréciées « christianisées, » avec de nouveaux noms et de pratiques modestement tordues. Le Christianisme fut peu à peu poussé plus près des anciennes religions païennes, jusqu’à ce que la population de l’Europe dans l’ensemble estima que la nouvelle religion était suffisamment au sein de leur zone de confort pour être acceptée.
Jésus, bien sûr, avait une idée différente. Il n’a jamais voulu créer une religion d’État—ou toute autre religion, d’ailleurs. Il a décrit Son chemin, le chemin de la Vie, comme un chemin étroit et difficile. La route était ouverte à tous, mais seul quelques-uns se décideraient de s’aventurer sur elle (Matthieu 7:14). La stratégie de Jésus était d’abord une proclamation et une démonstration du Royaume de Dieu et, une invitation à « tous ceux qui avaient des oreilles pour entendre » d’abandonner leurs vies antérieures et d’embrasser La Sienne. Il n’avait pas besoin de contrainte et aucun intérêt dans un logement. Il savait déjà que le « toilettage » d’une religion par des ajustements et des réparations mineures ne fonctionneraient tout simplement pas. Comme Il l’expliqua :
« Personne ne déchire un morceau de tissu d’un habit neuf pour le mettre à un vieil habit, sinon il déchire l’habit neuf et le morceau qu’il en a pris n’est pas assorti avec le vieux. Et personne ne met du vin nouveau dans de vieilles outres, sinon le vin nouveau fait éclater les outres, il coule et les outres sont perdues. Mais il faut mettre le vin nouveau dans des outres neuves [et les deux se conservent]. Et [aussitôt] après avoir bu du vin vieux, personne ne veut du nouveau, car Il dit : ‘Le vieux est meilleur’. » (Luc 5:36-39)
Les autorités religieuses du quatrième aux quatorzièmes siècles ignorèrent largement ce conseil. Ils durent le faire. Ils avaient un ordre du jour de transformer le Christianisme en une religion que chacun pouvait et devait accepter. D’une certaine manière, ils eurent à transformer le Christianisme en une autoroute, sur laquelle tout le monde pouvait voyager, même si les voyageurs auraient préféré autre chose. Pour atteindre cet objectif, ils déchirèrent des morceaux de la religion de Jésus et tentèrent de couvrir les trous les plus embarrassants du paganisme. Ils versèrent le vin nouveau de Jésus dans les vieilles peaux de la religion traditionnelle européenne. Ils atteignirent leur but ; le peuple respecta finalement la nouvelle religion d’Etat.
Certes, le vin nouveau était versé. Mais la plupart des gens pensait que le vieux vin était très bien, de toute façon.